A partir de quel moment une renonciation à succession est-elle valable ?

Le pacte de renonciation à succession est une institution particulière, car il produit des effets tant du vivant qu'après le décès du de cujus. Il s'agit d'une disposition pour cause de mort qui peut déployer des effets contraignants avant même la survenance du cas de succession.

Exigences de forme relatives à la conclusion du pacte

Par une renonciation à succession, une personne renonce à une partie ou à la totalité des droits d’une succession future. Cela ne peut intervenir qu’avec l’accord du de cujus. Pour qu’une renonciation à succession ait des effets contraignants, il faut tout d’abord qu’elle soit conclue de manière valable au niveau formel.

La renonciation à succession est toujours un acte juridique au moins bilatéral, ce qui signifie qu’elle requiert des déclarations de volonté concordantes de plusieurs parties. Celles-ci doivent notamment se mettre d’accord sur le fait que la renonciation à la part successorale intervient à titre gratuit ou à titre onéreux (renonciation à succession à titre onéreux). Dans le cas d’une renonciation à succession à titre onéreux, il est également nécessaire de trouver un accord sur la nature de la contrepartie du de cujus.

Mais ce n’est pas tout : comme il est dans la nature des dispositions pour cause de mort de contenir les « dernières volontés », soit des volontés qui ne peuvent en principe plus être modifiées après le décès de l’auteur de la disposition, la loi pose des exigences de forme particulières pour la conclusion du pacte de renonciation. Une renonciation à succession est un pacte successoral négatif. Celui-ci doit être conclu par-devant un notaire ou une autre personne habilitée par le droit cantonal à dresser des actes authentiques (« forme authentique »). Toutes les parties contractantes doivent déclarer leur volonté concordante simultanément et en présence de deux témoins indépendants. En outre, elles doivent confirmer l’exactitude de la copie du notaire par leur signature.

D’une part, cette exigence de forme permet aux parties contractantes de bénéficier de la routine et de l’expertise de spécialistes expérimentés, lesquels peuvent les informer à l’avance de ce qui est légalement possible et de ce qui ne l’est pas dans le cadre d’une renonciation à succession. De cette manière, elles évitent les ambiguïtés de contenu, voire l’annulation a posteriori du pacte de renonciation à succession. D’autre part, la contrainte et les frais qu’engendre un passage chez le notaire protègent les parties contre les décisions hâtives et les incitent à prendre leurs dispositions de manière réfléchie.

Le testateur qui souhaite rédiger une disposition pour cause de mort (c’est-à-dire qui souhaite provoquer des effets juridiques après son propre décès) doit toujours déclarer ses dernières volontés en personne, mais les autres parties concernées peuvent se faire représenter. Cependant, cela n’est pas toujours opportun, car des malentendus ou des complications peuvent survenir dans les relations de représentation. Par conséquent, la personne représentée devrait exprimer sa volonté aussi clairement que possible et sans ambiguïté et ne désigner que des représentants qui jouissent de sa pleine confiance. Ce n’est que si la participation personnelle à la conclusion du contrat est impossible ou implique des efforts disproportionnés que la représentation est une option véritablement judicieuse.

Effets et modification du vivant du de cujus

Une fois qu’une renonciation à succession a été valablement conclue sur le plan formel, la question se pose de savoir quels sont ses effets. Cette forme de pacte successoral revêt la plus haute importance lorsque la renonciation a pour objet des droits à la réserve héréditaire. En effet, le de cujus peut disposer unilatéralement de ses biens dans le cadre de la quotité disponible, soit de tout ce qui ne fait pas partie des réserves héréditaires de ses proches, cela même sans le consentement de ces derniers.

En revanche, si seuls des biens appartenant à la quotité disponible font l’objet d’un pacte de renonciation à succession, cela peut avoir deux significations. D’une part, les parties peuvent souligner ainsi le caractère consensuel de leur disposition patrimoniale, auquel cas le pacte a uniquement une portée déclarative. D’autre part, les parties peuvent également avoir l’intention d’établir des règles qui les lient et qui ne peuvent plus être modifiées unilatéralement, comme par exemple dans le cadre d’une renonciation à succession au bénéfice d’un tiers.

Un exemple de renonciation à succession

Aaron conclut un pacte de renonciation à succession avec sa fille Béatrice, dans lequel ils conviennent d’une charge en vertu de laquelle la part successorale à laquelle Béatrice renonce reviendra à son fils Conrad (le petit-fils d’Aaron).

Si ce contrat est valable, Aaron ne peut en principe pas prévoir, dans ses testaments ou d’autres pactes successoraux, des dispositions qui seraient incompatibles avec la libéralité faite en faveur de Conrad. S’il le fait quand même, Béatrice et Conrad peuvent demander l’annulation des dispositions incompatibles avec le pacte successoral et s’assurer ainsi que celui-ci déploie les effets voulus lors de sa conclusion.

Les parties conservent toutefois la possibilité d’annuler le pacte successoral d’un commun accord, soit de le déclarer caduc. Pour ce faire, il n’est pas absolument nécessaire de repasser chez le notaire, dès lors que la forme écrite est suffisante pour annuler un pacte de renonciation à succession. Si les parties ne veulent pas annuler le pacte de renonciation à succession mais seulement en modifier le contenu pour qu’il produise des effets autres que ceux initialement prévus, la forme authentique prescrite pour l’établissement du pacte est en revanche nécessaire (voir ci-dessus).

En outre, le de cujus peut annuler unilatéralement le pacte si un bénéficiaire se rend coupable d’un comportement qui constituerait un motif d’exhérédation (infraction pénale grave ou violation des obligations familiales envers le de cujus ou ses proches).

Si, dans le cadre d’un pacte de renonciation à succession à titre onéreux, le de cujus s’est engagé à fournir un service de son vivant, il doit l’offrir ou l’exécuter en temps utile et conformément au contrat. S’il ne satisfait pas ou seulement de manière insuffisante aux prétentions du cocontractant renonçant, ce dernier a le droit de résoudre le contrat conformément aux dispositions générales du Code des obligations sur les contrats.

Effets lorsque survient le cas de succession

La renonciation à succession produit son effet principal après le décès du de cujus, moment auquel la succession est ouverte. Alors que les testaments doivent obligatoirement être déposés à l’autorité compétente en cas de responsabilité personnelle, cela est facultatif pour les pactes successoraux. Cependant, afin de permettre à tous les héritiers de prendre connaissance du contenu du contrat, le dépôt est également fortement conseillé.

En reprenant l’exemple ci-dessus :

Si Conrad n’est pas partie au pacte successoral conclu entre sa mère et son grand-père et que ceux-ci ne lui en parlent pas, il n’aura peut-être même pas la possibilité de connaître son droit à la succession et de faire valoir ses droits d’héritier ou de légataire s’il n’y a pas d’ouverture du pacte.

Les autres effets de la renonciation dépendent de ce qui a été convenu dans le pacte de renonciation à succession. S’il s’agit d’une renonciation à succession totale, la partie renonçante est totalement ignorée en tant qu’héritière ou héritier et elle ne peut faire valoir aucun droit patrimonial ou idéal (p. ex. droits à l’information) à l’encontre les cohéritiers. En cas de renonciation partielle, en revanche, seule l’étendue du droit à la succession est réduite, alors que les autres droits ne sont pas affectés.

Si une renonciation à succession a été faite expressément au bénéfice de certaines personnes et que celles-ci ne peuvent ou ne veulent pas accepter la succession, la renonciation est caduque de par la loi. Si les parties contractantes souhaitent éviter un tel scénario, elles peuvent également désigner des héritières ou héritiers de substitution pour cette éventualité.

Reprenons l’exemple pour clarifier :

Conrad meurt peu avant son grand-père Aaron dans un tragique accident de ski. Il ne peut acquérir l’héritage, raison pour laquelle le droit à la succession de sa mère Béatrice est réactivé. Si sa sœur Daniela avait été désignée comme héritière suppléante dans ce cas, elle prendrait sa place en qualité d’héritière. Dans le cas d’une renonciation à succession à titre onéreux, il peut arriver qu’il y ait une disproportion entre l’actif successoral et la prestation versée par le de cujus de son vivant à titre de montant de rachat. Le montant du rachat est alors ajouté à la succession pure pour former la masse de calcul des réserves héréditaires, à partir de laquelle les droits à la réserve sont ensuite calculés. Toutefois, s’il n’y a pas suffisamment d’actifs dans la succession pure pour couvrir les réserves héréditaires, le montant du rachat est soumis à l’action en réduction. Cette mesure vise à empêcher le contournement du droit impératif relatif aux réserves héréditaires par la conclusion, du vivant du de cujus, d’un pacte de renonciation à succession à titre onéreux avec certaines personnes.

Les héritières et les héritiers peuvent ainsi demander en justice le remboursement des libéralités entre vifs jusqu’à ce que leurs droits à la réserve soient rétablis et entièrement couverts.

Important pour vous

  • Souhaitez-vous effectuer une renonciation à succession à titre gratuit (pacte successoral négatif) ou une renonciation à succession à titre onéreux ?
  • Veuillez noter que vous devez respecter les exigences de forme (forme authentique) en cas de renonciation à succession. Un pacte de renonciation à succession sans notaire n’est pas valable.

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