Comment la capacité de disposer est-elle évaluée en cas de démence ?

La démence affecte l'état mental des personnes atteintes. Dans les stades avancés, il est possible que la capacité de discernement disparaisse. Cela a un impact sur les possibilités d'action de son vivant et dans le cadre de la succession.

L’essentiel en bref

  • Pour qu’une disposition pour cause de mort (testament/pacte successoral) soit valablement établie, des conditions de forme, matérielles et personnelles doivent être remplies, parmi lesquelles la capacité de disposer du testateur ou de la testatrice. En cas de démence, la capacité de discernement est souvent problématique.
  • La démence n’est toutefois pas synonyme d’incapacité de disposer. Le diagnostic de la démence est posé par un professionnel de la santé. En revanche, un tribunal décide de la capacité de discernement et de la capacité de disposer.
  • La capacité de disposer est évaluée en fonction des circonstances individuelles du cas concret. Elle a plus de chances d’être confirmée dans des situations simples que dans des cas complexes et confus.

Conditions pour l’établissement d’une disposition pour cause de mort

La succession légale du Code civil suisse (CC) ne convient pas à tout le monde. Beaucoup de Suissesses et de Suisses souhaitent s’en écarter. Ils peuvent le faire au moyen d’une disposition pour cause de mort – soit d’un testament ou d’un pacte successoral. Chacune de ces formes est soumise à différentes exigences de forme (écriture à la main ou forme authentique), mais également à des exigences liées au contenu (comme le respect du droit à la réserve héréditaire).

En outre, il existe des exigences personnelles en ce qui concerne la testatrice ou le testateur. Pour pouvoir valablement acquérir des droits et contracter des obligations de son vivant, il faut avoir l’exercice des droits civils, ce qui signifie qu’il faut avoir atteint l’âge de 18 ans révolus et être capable de discernement. Le pendant en droit des successions est ce qu’on appelle la capacité de disposer : elle est la condition préalable à la rédaction d’un testament ou d’un pacte successoral valable. Il s’agit de la capacité d’une testatrice ou d’un testateur d’établir une disposition pour cause de mort et d’y intégrer des instructions sur sa propre succession. Dans le cas d’un testament, on parle de la capacité de tester, alors que, dans le cas d’un pacte successoral, on parle de la capacité à conclure un pacte successoral – mais les exigences de base sont très similaires.

Que signifie la capacité de discernement et comment la démence est-elle constatée ?

Le critère le plus important qui détermine la validité ou l’invalidité d’un testament est la capacité de discernement. Elle se compose d’un élément intellectuel et d’un élément volontaire. L’élément intellectuel est la capacité d’une personne à comprendre la signification et les conséquences de ses actes. L’élément volontaire est la capacité d’agir selon cette compréhension en toute liberté et sans être influencé.

La capacité de discernement est réglementée à l’art. 16 CC comme suit :

Toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.

Art. 16 CC Discernement

La capacité de discernement d’une personne est donc en principe présumée, sauf si certaines conditions, dont les troubles psychiques, laissent penser le contraire. La démence, en tant que trouble psychique, est un terme médical. Un tel diagnostic doit être établi par des professionnels de la santé. Ceux-ci utilisent des méthodes standardisées pour tester les capacités cognitives. Diverses applications sont encore à un stade précoce, mais les progrès en matière d’intelligence artificielle vont considérablement faciliter et améliorer les diagnostics à l’avenir.

Une méthode éprouvée de dépistage de la démence est ce qu’on appelle le « mini-mental state ». Ce test comprend diverses tâches, pour la réalisation desquelles des points sont attribués. Les tâches couvrent un large éventail de processus de réflexion, p. ex. l’orientation dans le temps et dans l’espace, le calcul mental, la reproduction de mots ou de phrases, etc. Plus le nombre total de points est faible, plus le diagnostic de démence est évident.

Cependant, l’évaluation de la capacité de discernement d’une personne et des conséquences qui en découlent pour l’exercice des droits civils et sa capacité de disposer n’est pas une question médicale, mais une question juridique. Il revient ainsi au tribunal de se prononcer sur la capacité de discernement. Pour ce faire, il s’appuie sur des constatations médicales qui sont résumées dans des expertises. Les médecins y constatent des faits, mais ils ne procèdent à aucune évaluation juridique, car cette compétence est toujours réservée au tribunal.

Comment la capacité de disposer est-elle évaluée en cas de démence dans chaque cas particulier ?

Il n’existe pas de norme générale et objective permettant de déterminer si une personne est capable de discernement et dispose ainsi également de l’exercice des droits civils et de la capacité de disposer. Le simple fait qu’une expertise médicale indique qu’une personne est atteinte de démence ne signifie pas que la personne concernée n’est pas capable de discernement. Le tribunal examine plutôt l’ensemble des circonstances du cas concret afin de déterminer si une personne est capable de discernement. En d’autres termes, la capacité de discernement est relative d’un point de vue matériel et temporel – elle dépend de la complexité de la situation et de l’état de clarté dans lequel se trouvait la personne au moment où elle a formé et exprimé sa volonté.
Ainsi, si, dans le cadre d’une disposition pour cause de mort, la question se pose de savoir si l’auteur avait la capacité de disposer au moment de son établissement, le tribunal examinera d’abord son contenu. Si celui-ci est plutôt simple, il convient d’appliquer un standard moins élevé à la capacité de disposer que dans le cas de relations patrimoniales ou familiales complexes.

Deux exemples pour illustrer cela

(1) « Ma fille Tanja et mon fils Stefan ont droit à leur réserve héréditaire. J’attribue les actifs qui seront ainsi libérés à ma femme Elfriede. »

(2) « Je désigne mes amis Anton et Bert comme héritiers à raison d’un et deux tiers chacun. Je donne au préalable ma collection d’art à mon neveu Norbert. Je lègue CHF 100’000.- à chacun des trois enfants de ma cousine Clara. En outre, à mon décès, je crée une fondation destinée à soutenir les réfugiés et les personnes dans le besoin. »

La disposition (1) ci-dessus est relativement simple et exprimée de manière claire. Par conséquent, même en cas de démence à un stade ultérieur, la capacité de disposer sera plus susceptible d’être confirmée. En revanche, pour la disposition (2), de nombreuses considérations complexes sont nécessaires, qui posent problème même aux profanes en bonne santé et qui peuvent également nécessiter l’avis d’un expert. Par conséquent, un standard plus strict doit être appliqué à une telle disposition en ce qui concerne la capacité de disposer. Afin d’éviter les problèmes de succession dus à l’absence ou à l’insuffisance de capacité de disposer, il est important de commencer à penser à la planification successorale suffisamment tôt, dès le diagnostic de la démence. Nous expliquons dans un autre article spécialisé ce qui se passe si la capacité de disposer est mise en doute.

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