Acquêt ou bien propre ? Les implications pratiques d’une délimitation difficile

Les acquêts et les biens propres sont des notions issues du droit matrimonial. Celui-ci revêt une grande importance dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, laquelle doit être effectuée avant la dévolution successorale en cas de décès d'un de cujus marié. La délimitation des deux masses de biens n'est pas toujours facile, mais elle peut avoir une grande influence sur la répartition du patrimoine.

La différence entre les acquêts et les biens propres

Sont soumis au régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts les couples mariés selon le droit suisse et qui n’ont pas conclu de contrat de mariage. Le contrat de mariage permet d’adopter les régimes matrimoniaux particuliers de la communauté de biens ou de la séparation de biens. La grande majorité des Suisses sont soumis au régime matrimonial ordinaire, d’autant plus que peu de gens se préoccupent de cet aspect peu romantique du mariage.

Le régime matrimonialdétermine la propriété des biens utilisés en commun en cas de dissolution du mariage. Pour que la dévolution successorale se déroule correctement, les biens du conjoint décédé doivent être séparés de ceux du conjoint survivant. La masse successorale résulte de cette répartition selon les règles du droit matrimonial. Pour le dire simplement, le conjoint survivant hérite généralement deux fois : une fois par le biais du droit des régimes matrimoniaux et une fois par le biais du droit successoral.

Chaque conjoint dispose de deux masses de biens : les biens propres et les acquêts. Les premiers lui appartiennent exclusivement et intégralement. En cas de dissolution du régime matrimonial, un conjoint a droit à la moitié des acquêts de l’autre. Par conséquent, la masse successorale se compose généralement des biens propres, de la moitié de la part d’acquêts du défunt et de la moitié de la part d’acquêts du conjoint survivant.

Qu’est-ce qui fait partie des acquêts ?

La loi prescrit dans les grandes lignes quels types d’actifs doivent être attribués à quelle masse de biens. L’art.197 CC contient une clause générale à son premier alinéa, selon laquelle tous les biens acquis à titre onéreux par un conjoint pendant la durée de la participation aux acquêts doivent en principe être attribués à ses acquêts. Le second alinéa précise ce postulat.

Par conséquent, les acquêts comprennent :

  • le produit du travail
  • les prestations de retraite et les prestations sociales
  • les indemnisation pour incapacité de travail
  • les revenus des biens propres
  • les biens acquis en remploi des acquêts.

Cette réglementation est encore relativement abstraite et nécessite ainsi une interprétation plus poussée de la part de la doctrine et de la jurisprudence. Nous ne pouvons aborder ici les principales différences que de manière superficielle.

acquêts

Le produit du travail est la rémunération du travail physique ou intellectuel du conjoint, indépendamment de la nature de la relation de travail et du type de prestation ou de son indemnisation. Les bénéfices de l’activité entrepreneuriale sont également inclus, mais pas les revenus du capital issus d’investissements.

Les prestations de retraite et les prestations sociales comprennent les prestations en espèces versées sous forme de rente ou de capital pendant la durée du régime matrimonial. Celles-ci ont été versées par des institutions de prévoyance en faveur du personnel, de prévoyance professionnelle et des assurances sociales (assurance vieillesse et survivants, assurance-invalidité, assurance-maladie, assurance accidents, assurance militaire et assurance-chômage). Les prestations – en soi gratuites – de l’aide sociale entrent également dans cette catégorie. Les indemnités pour incapacité de travail sont les dommages et intérêts versés par les employeurs ou les personnes responsables.

Les revenus des biens propres sont des plus-values générées par les biens propres sans perte de substance. Il s’agit notamment des intérêts sur les biens propres investis, mais aussi des produits récurrents du sol ou des animaux. Ceux-ci constituent également des acquêts.

Les biens acquis en remploi des acquêts sont des choses qui sont acquises par le conjoint concerné en vue de remplacer directement ou indirectement des biens de cette masse de biens.

Qu’est-ce qui fait partie des biens propres ?

L’énumération des biens propres à l’art. 198 CC (sans que ce terme ne soit défini) déroge au principe de l’art. 197 al. 1 CC.

Les biens propres comprennent ainsi :

  • les effets d’un époux exclusivement affectés à son usage per­son­nel
  • les biens qui lui appartenaient avant le mariage ou qu’il a reçus ensuite à titre gratuit
  • les créances en réparation d’un tort moral
  • les biens acquis en remploi des biens propres.

Les effets personnels sont par exemple les vêtements, les livres, les bijoux, les instruments de musique, les équipements de sport ou de loisirs que les époux n’utilisent pas ou presque jamais en commun.

Les biens apportés à la participation aux acquêts ou acquis à titre gratuit sont des biens qui appartenaient déjà à l’un des époux avant le régime matrimonial ou qu’il a reçus sans contrepartie (p. ex. par donation, succession ou legs).

Les créances en réparation d’un tort moral sont des indemnisations pour la violation des droits de la personnalité. En raison de leur lien étroit avec la personne de l’intéressé, elles font partie de ses biens propres.

Les mêmes principes que pour les acquêts s’appliquent aux biens acquis en remploi des biens propres.

Comment et dans quelle mesure puis-je influencer l’attribution à une masse de biens ?

Dans un contrat de mariage passé en la forme authentique, les époux peuvent convenir de déroger au régime légal de la participation aux acquêts. Même dans ce cas, une dérogation est toutefois limitée à certains mécanismes rigides : il peut notamment être convenu que des biens affectés à l’exercice de la profession ou à l’exploitation de l’entreprise de l’un des époux (fortune commerciale) font partie des biens propres. L’idée est de simplifier la poursuite de l’exploitation de l’entreprise après la liquidation du régime matrimonial. Par ailleurs, les revenus des biens propres peuvent être attribués aux biens propres plutôt qu’aux acquêts.

Par contrat de mariage, les époux ont également la possibilité de déroger à la participation au bénéfice telle que prévue par la loi, qui correspond à un partage par moitié, au détriment des descendants communs. Cela concerne exclusivement la clé de répartition et non l’attribution de valeurs patrimoniales à une masse de biens.

Les droits de participation au bénéfice des conjoints peuvent différer et être soumis à des conditions ou à des charges pour l’un d’eux ou pour eux deux. De tels accords ont souvent pour but de favoriser le plus possible le conjoint survivant.

Il n’est pas possible de déroger davantage à la structure de la participation aux acquêts, si ce n’est en optant pour un régime matrimonial contractuel (communauté de biens ou séparation de biens, éventuellement avec des modifications).

La liquidation de la succession d’un défunt marié est nettement plus compliquée que celle d’un défunt célibataire. Cela est dû à la liquidation du régime matrimonial qui doit être effectuée avant la dévolution successorale. Dans le régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts, chaque époux dispose de deux masses de biens : les biens propres et les acquêts. Ceux-ci doivent être séparés pour pouvoir déterminer la succession (biens propres + moitié du bénéfice du défunt + moitié du bénéfice du conjoint survivant). Il n’est possible de déroger aux dispositions légales par contrat de mariage que dans une mesure limitée.

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