Héritages et inégalités sociales

Le débat sur l'introduction d'un impôt fédéral sur les successions est un sujet controversé en Suisse depuis des années. Avec l'initiative déposée au printemps 2024, ce thème devrait rester d'actualité à l'avenir. Une question centrale est de savoir si et comment les héritages, en tant que « fortune imméritée », contribuent aux inégalités sociales et quelles mesures pourraient être prises pour atténuer cet effet.

Bases juridiques

Contrairement à certains autres pays, la Suisse ne prélève pas d’impôt sur les successions au niveau fédéral. Dans la plupart des cantons (à l’exception des cantons de Schwyz et d’Obwald), il existe un impôt sur les successions dont le montant dépend essentiellement du degré de parenté. Vous trouverez ici un aperçu des règles dans les différents cantons.

Les héritages comme « fortune imméritée »

Les héritages sont souvent considérés comme des fortunes imméritées, car ils reviennent aux bénéficiaires sans que ceux-ci aient travaillé activement pour les obtenir. En Suisse, des actifs considérables peuvent être transmis de génération en génération, ce qui entraîne une concentration des richesses dans certaines familles. Cette dynamique renforce les inégalités sociales, car les familles aisées peuvent offrir à leurs enfants des avantages financiers que d’autres n’ont pas.

Les inégalités sociales se manifestent dans divers domaines : accès à une éducation de qualité et à certains cercles sociaux, opportunités sur le marché du travail et capacité à accumuler des richesses. Cela peut conduire à une consolidation des classes sociales, dans lesquelles les perspectives économiques dépendent fortement de l’origine familiale.

Mesures contre l’aggravation des inégalités sociales

Nombreux sont ceux qui affirment que l’imposition progressive des successions pourrait notamment être un moyen de contrer cette tendance et de promouvoir l’égalité des chances. Ainsi, les très grosses successions seraient davantage taxées, alors que les petites successions ne perdraient que peu de substance, ce qui aurait un effet redistributif à long terme. Les recettes d’un impôt sur les successions pourraient être utilisées de manière ciblée pour des projets éducatifs, des programmes sociaux et des infrastructures, la prévoyance vieillesse ou d’autres domaines. Les fonds seraient ainsi utilisés pour lutter contre les inégalités sociales.

On pourrait également envisager des systèmes d’incitation ciblés pour encourager les futures personnes défuntes à investir une partie de leur patrimoine dans des fondations ou des projets d’utilité publique. De telles règlementations permettraient d’accroître l’utilité sociale des successions.

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Arguments en faveur d’un impôt sur les successions

  • Équité : Un impôt sur les successions contribue à une justice distributive et une équité sociale. Comme les successions reposent souvent sur des richesses déjà existantes, leur imposition pourrait contribuer à une répartition plus équitable des richesses.
  • Finances publiques : Les recettes d’un impôt sur les successions pourraient alléger le budget de l’État et être utilisées pour des investissements importants dans l’éducation, la santé et les infrastructures.
  • Égalité des chances : La redistribution des richesses permet de favoriser la mobilité sociale et de réduire le lien entre aisance financière individuelle et origine familiale.
  • Prévention de la concentration des richesses : L’imposition des successions peut contribuer à empêcher la concentration croissante des richesses entre les mains d’un petit nombre de familles.

Arguments contre un impôt sur les successions

  • Double imposition : Les opposants font valoir qu’un impôt sur les successions constitue une double imposition injuste car le patrimoine a déjà été imposé du vivant de la personne défunte.
  • Risque de fuite des capitaux : Dans un système économique internationalisé, des impôts sur les successions élevés pourraient inciter les personnes fortunées à transférer leur patrimoine à l’étranger, ce qui entraînerait des désavantages économiques pour la Suisse. Les opposants font valoir que les impôts cantonaux sur les successions existants rapportent beaucoup d’argent et qu’un impôt fédéral sur les successions rapporterait globalement moins. Si les personnes fortunées s’établissaient à l’étranger, cela réduirait également les recettes provenant de l’impôt sur le revenu.
  • Limitation des entreprises familiales : En Suisse notamment, où de nombreuses entreprises de taille moyenne sont détenues par des familles, un impôt sur les successions pourrait compliquer, voire compromettre, la poursuite de leurs activités. Les abattements et les exceptions pour les entreprises familiales dont il est question dans le cadre de la conception d’un impôt sur les successions présentent un risque d’abus par les familles très aisées.
  • Autonomie financière : L’introduction d’un impôt fédéral sur les successions réduit l’autonomie financière des cantons, ce qui est contraire aux principes fédéralistes de la Suisse.

Tout est-il une question de mise en œuvre ?

En fin de compte, l’acceptation d’un impôt fédéral sur les successions dépendrait sans doute de la forme concrète et de la mise en œuvre pratique d’une réforme législative. D’une part, la conception de l’impôt (p. ex. taux d’imposition, imposition linéaire ou progressive, montants exonérés, exceptions, etc.) influence de manière déterminante son acceptation ; d’autre part, l’affectation des recettes fiscales est également un élément essentiel.

Conclusion

L’introduction d’un impôt sur les successions reste un sujet complexe et sensible. S’il peut contribuer à réduire les inégalités sociales et à promouvoir l’égalité des chances, il comporte également des risques tels que la fuite des capitaux et un affaiblissement potentiel de l’économie. Le débat sur un impôt sur les successions doit donc tenir compte non seulement des aspects sociaux et éthiques, mais également des aspects économiques. Il est essentiel d’adopter une approche équilibrée qui concilie les besoins de la société et les réalités économiques.

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